Le divorce du chef d’entreprise peut avoir des conséquences patrimoniales très lourdes aussi bien pour lui-même que pour son conjoint et la pérennité de son entreprise. Les conséquences dépendent du régime matrimonial choisi par le couple, selon que l’entreprise est un bien propre ou personnel du dirigeant. Elles varient également avec la forme juridique de l’entreprise. Nos explications !
L’importance du régime matrimonial
Faute d’avoir signé un contrat de mariage, près de 80 % des couples mariés relèvent aujourd’hui du régime de la communauté légale réduite aux acquêts. Dans ce régime, tous les biens créés ou acquis pendant le mariage, autrement que par héritage ou donation, constituent des biens communs. Peu importe qu’ils aient été achetés par l’un des époux ou les deux ensemble ou financés par de l’argent appartenant à la communauté ou à un seul des époux.
Lors de la liquidation de la communauté consécutive au divorce des époux, chaque époux reprend ses biens propres (ceux dont ils étaient propriétaires avant le mariage et ceux qu’ils ont reçus par donation ou héritage durant le mariage) et reçoit la moitié de la valeur des biens communs.
Conséquence : si l’entreprise a été acquise ou créée pendant le mariage, le chef d’entreprise devra indemniser son ex-conjoint à hauteur de la moitié de la valeur de l’entreprise, s’il souhaite la conserver. Or bien souvent, l’entreprise constitue la part la plus importante du patrimoine commun, et le chef d’entreprise n’aura généralement pas les moyens d’indemniser son conjoint sur ses propres deniers ; ce qui peut le conduire à s’endetter, voire à vendre la société à un tiers pour pouvoir indemniser son ex-conjoint, au risque de compromettre la pérennité de l’entreprise.
La communauté, prise de risque maximale
Il peut également arriver, même lorsque les époux sont mariés sous le régime de la communauté légale, que l’entreprise soit un bien propre de l’époux entrepreneur s’il l’avait créée ou acquise avant le mariage ou encore s’il l’a reçue par donation ou héritage pendant le mariage. Pour autant, la rémunération du chef d’entreprise fait partie des biens communs car les revenus des biens de son entreprise et reste également propriétaire exclusif des revenus de son entreprise (revenus du capital et du travail).
Ce régime est donc le plus protecteur pour le chef d’entreprise. Le revers de la médaille ? L’enrichissement du chef d’entreprise ne profite pas à son époux. « En cas de divorce, la propriété de l’entreprise ne sera jamais remise en cause.
Autrement dit, le conjoint ne pourra pas revendiquer la moitié de la valeur de l’entreprise mais seulement une prestation compensatoire pour compenser la disparité des niveaux de vie créée par le divorce, voire une indemnité correspondant à la rémunération qu’il aurait dû recevoir s’il a travaillé bénévolement au sein de l’entreprise et/ou une compensation financière s’il a participé financièrement à l’activité professionnelle de son conjoint » explique Emmanuel Martin de 100 jours pour entreprendre.
Attention au régime de la participation aux acquêts
Pour contourner cet écueil, le régime de la participation aux acquêts a longtemps été conseillé aux couples dans lesquels l’un ou les deux sont à la tête d’une entreprise. Ce régime associe les avantages de la communauté de biens à ceux de la séparation de biens. Pendant le mariage, il fonctionne comme si les époux étaient en séparation de biens. Mais à la dissolution du mariage, chacun des époux a le droit à la moitié de l’enrichissement de l’autre.
Ce régime peut donc permettre au conjoint du chef d’entreprise de bénéficier de l’enrichissement de son conjoint, par le biais du versement d’une créance de participation égale à la moitié de cet enrichissement. Sauf que pour sauvegarder les intérêts du chef d’entreprise, le contrat de mariage comporte généralement une clause indiquant que les biens professionnels seront exclus du calcul de la créance de participation.
Au divorce, le conjoint du chef d’entreprise ne pourra rien réclamer sur l’entreprise mais il aura le droit à la moitié des autres biens : maison, appartement, compte bancaire privé, etc. Le hic ? La Cour de cassation vient de juger que ce type d’aménagement, qualifié d’avantage matrimonial, n’était susceptible de s’appliquer que si les époux étaient d’accord, au moment du divorce — période pendant laquelle ils sont rarement d’accord ! , pour qu’il s’applique (arrêt du 18 décembre 2019 n° 18-26 337 FS-PBI).
En cas de divorce conflictuel, ce type d’aménagement risque donc de perdre toute efficacité et les couples qui ont opté pour ce régime auront tout intérêt à revoir leur stratégie matrimoniale.
Incidence de la forme de l’entreprise
En cas de divorce, l’entreprise individuelle est la forme d’exploitation qui offre le moins de protection lorsque les époux sont mariés sous un régime communautaire. S’il n’a pas d’autres biens que son entreprise, le chef d’entreprise sera contraint de s’endetter pour racheter la part de son conjoint ou vendre une partie de ses actifs, ce qui peut conduire au démantèlement de l’entreprise.
A l’inverse, si l’entreprise est sous forme de société et constitue un bien commun, le partage portera sur les parts sociales et non sur les actifs de l’entreprise, ce qui est moins compromettant pour la pérennité de l’entreprise. Les parts resteront toutefois la propriété de l’époux associé qui est le seul porteur de ces parts. Si le chef d’entreprise n’a pas les moyens d’indemniser son conjoint, il n’aura pas d’autre solution que de vendre son entreprise.
Rupture de Pacs : impact sur l’entreprise
Les partenaires de Pacs procèdent eux-mêmes au partage de leurs biens selon les règles figurant dans leur convention de Pacs. Pour les Pacs conclus depuis le Ier janvier 2007, les partenaires sont automatiquement soumis à un régime de séparation des patrimoines spécifique au Pacs s’ils n’ont pas choisi le régime de l’indivision. Dès lors, si l’entreprise est un bien personnel d’un des partenaires, il va la conserver.
Si les partenaires ont opté pour le régime d’indivision spécifique au Pacs, les biens qu’ils achètent ensemble ou séparément après la signature du Pacs leur appartiennent en indivision pour moitié.
Même si l’un des partenaires a financé plus que sa quotepart, il ne pourra pas demander à l’autre de lui rembourser l’excédent. Lors de la rupture du Pacs, chacun devra recevoir la moitié de ces biens. Dans le cadre du partage, un des partenaires peut demander l’attribution préférentielle de l’entreprise, si c’est un bien indivis, moyennant le versement d’une somme d’argent (on parle de soulte). Si les deux partenaires revendiquent l’entreprise, c’est le juge qui tranchera.
Par exception à cette règle, les entreprises créées au cours du Pacs, comme un fonds de commerce, ainsi que les revenus perçus par les partenaires (comme le salaire du chef d’entreprise) qui n’ont pas été employés pour acheter des biens restent la propriété de chacun des partenaires. Il en est de même des biens acquis avec des fonds qui appartenaient à l’un des partenaires avant le Pacs ou qu’il a reçus par donation ou succession pendant le Pacs, à condition qu’une déclaration d’emploi ait été effectuée dans l’acte d’acquisition.